Arancia bruciata

Dans le Sud de l’Italie contemporaine, une communauté s’adonne à des pratiques divinatoires issues de l’Antiquité romaine, telles l’ornithomancie ou l’interprétation des phénomènes célestes. Au cœur de ces terres tourmentées, une série de gestes et d’attitudes surgissent, ouvrant à de nouveaux horizons.

Les protagonistes d’Arancia Bruciata semblent hantées par des temps ancestraux. Au lieu de fresques sur les murs de quelque temple, des peintures dans un tunnel et des tatouages figurent leur relation attentive à la nature. Des messages vocaux sont envoyés pour formuler de pressantes requêtes : identifier le sens du grondement de l’orage ou l’indice donné par le vol d’un oiseau. Les réponses semblent puisées dans un grimoire qui contiendrait toutes les vérités. Clémentine Roy prolonge cet appétit divinatoire en nous aidant à suivre la trajectoire véloce des oiseaux et en s’écartant des codes de la narration. Plutôt que de prendre la forme rassurante d’une historiette, son récit pratique une forme de déhiérarchisation stimulante entre action et inaction : une pause dans un hamac est peut-être aussi significative que la participation à une manifestation. La parole s’absente pour laisser voir des façons d’être au monde, le contact de la peau avec les choses : l’eau d’une rivière, la chair d’une tomate. Outre le choucas qui se plaît à siéger sur son épaule, la devineresse a des acolytes humaines et leurs voix résonnent mieux lorsqu’elles sont chantées. Les airs entêtants que forment ensemble les amies renvoient à une histoire presque immobile, tendue jusqu’au présent. Le monde autour continue pourtant d’avancer, et peut-être la divination n’est-elle pas seulement l’art de prédire ce qui est déjà écrit, mais de faire advenir le monde que l’on appelle de ses vœux.

Olivia Cooper-Hadjian

Lire l’entretien avec Clémentine Roy