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Front(s) populaire(s)

« Agitez-vous, car nous aurons besoin de notre enthousiasme ; organisez-vous, car nous aurons besoin de notre force ; étudiez car nous aurons besoin de notre intelligence »

Antonio Gramsci nous donne une ligne de conduite active, optimiste et valeureuse «pour nous mettre à l’abri de la destruction des relations humaines» dirait Hanna Arendt, et ainsi «nous mettre à l’abri de la destruction du monde». Sans savoir si le cinéma peut encore être une arme de combat face à la répression des plus faibles et l’horreur guerrière, il nous semble tenir en éveil notre esprit de lutte, notre désir de commun et notre capacité à penser autrement. Le cinéma peut être le lieu d’une contre-histoire. Pour cette nouvelle édition de Front(s) Populaire(s) nous avons choisi des films qui nous semblent avoir été conçus entre réflexion, action politique et mémoire.

Des films où, face à la violence, le geste cinématographique est à la fois celui du témoin mais aussi une reconfiguration du champ de la mémoire, celui du partage de nouveaux principes d’intelligibilité. Chacun et ensemble. De l’engagement des Chrétiens dans les luttes politiques en Amérique latine au récit de l’organisation de la guérilla des FARC en Colombie, c’est l’histoire de la violence des oligarchies d’Amérique latine pour maintenir leurs privilèges qui est revisitée. Cette lutte des plus pauvres pour un meilleur vivre ensemble se retrouve dans la petite communauté d’activistes qui s’est créée sur le rond-point du Tampon à la Réunion. Ici en France, les murs sont les points de ralliement de la lutte contre le patriarcat, l’espace urbain plus que jamais revendiqué comme espace de liberté et d’affirmation d’une révolte collective. Tout au long de la programmation, les situations de violences guerrières se succèdent dans un effet de champ contre-champ, ou plutôt de propagation terrible d’un désastre qui se répète. On se souvient des mots de Jean-Luc Godard dans Notre musique : «Pourquoi Sarajevo? parce que la Palestine». Aujourd’hui c’est le récit du siège de Sarajevo et de la manière dont des cinéastes s’en sont fait les témoins qui nous renvoie inéluctablement à Gaza et sa population sous les bombes, ici et maintenant. Ce sont les images de l’exode d’hommes et de femmes obligés de tout quitter de leurs biens et de leur terre au Haut-Karabagh, chassés par l’armée azerbaïdjanaise qui rendent soudain si concrètes des scènes cruelles que nous savons être celles que vivent les Gazaouis. 

La guerre en Palestine. Les films que nous avons choisis, dont l’un a été tourné jusqu’après octobre 2023 (No Other Land) témoignent de ce que signifie l’occupation militaire israélienne ; ils disent aussi le combat des Palestiniens contre l’effacement. Que peut le cinéma? La question posée par les Cahiers du cinéma dans leur numéro de février est aussi la nôtre mais n’est-ce pas une question que chaque film soulève de manière singulière et propose à son spectateur d’expérimenter? Front(s) populaire(s) tente de créer les conditions de cette expérimentation. 

Catherine Bizern