Afterwater
Le deuxième long métrage de Dane Komljen est porté par un mouvement progressif vers son sujet : l’eau. Inspiré notamment par les travaux de G. Evelyn Hutchinson, le film commence dans l’espace détaché d’un laboratoire scientifique consacré à la limnologie – l’étude de l’écosystème fermé des lacs – puis s’en éloigne au profit d’une exploration physique et psychique du lac même. Le film utilise dès lors tous les moyens à la disposition de sa quête de la source : textes, langues et langages, mouvements, formats, à la fois méditatifs et désirants. Les personnages cherchent à se rapprocher par le toucher, l’échange de costumes, les lectures partagées, ou le simple fait d’enlacer leurs sommeils (partageant des rêves, peut-être), de sorte que le désir de l’eau devient aussi un désir de se dissoudre les uns dans les autres. L’un des protagonistes lit à voix haute pour sa compagne : « Il n’y a pas assez de bouches pour prononcer tous tes noms fugaces, ô eau. Il faudrait que je te nomme dans toutes les langues, en prononçant toutes les voyelles à la fois, tout en gardant le silence pour le lac qui n’a pas encore de nom et qui n’existe pas sur cette terre… » Le film forme ainsi un triptyque de trois époques, espaces, géographies, personnages et corps disparates, sans autre corrélation que l’eau, à la fois substance et subconscient partagé. Le lac devient l’espace d’un rêve, une piscine réfléchissante – la texture fongique et baveuse de sa dernière partie fait d’ailleurs songer à la Reflecting Pool de Bill Viola ; un lieu incommensurable dans les profondeurs desquelles sont engloutis des villes, des mémoires et des vies entières.
Antoine Thirion
Dane Komljen, né en 1986 à Banja Luka, SFR Yougoslavie. Il a étudié le cinéma et l’art. Son premier long métrage, All the Citites of the North, a été présenté en 2016. Afterwater est son deuxième long métrage. Il travaille et vit à Berlin.